Daniel Ducharme

fiction

Cet après-midi, à la demande de mon épouse, je suis allé faire des courses au supermarché non loin de chez moi. Des aliments de base qui manquaient à la maison : du lait, des œufs, des tomates, etc. Bref, pas grand-chose, juste deux ou trois trucs. Au moment de passer à la caisse, la jeune fille m’a demandé si j’avais la carte de fidélité de la chaîne d’alimentation. Je ne l’avais pas. Non parce que je ne juge pas avantageux d’obtenir des rabais sur des achats cumulés, mais plutôt parce que je ne sais plus où les mettre, toutes ces cartes, qui finissent par gonfler le volume de mon portefeuille et, par le fait même, la poche arrière de mon pantalon. Toutefois, devant la gentillesse de la caissière, qui avait l’âge d’être ma petite fille, je lui ai demandé de m’indiquer comment je pourrais me la procurer, cette carte. Alors, elle m’a remis un formulaire de format A5 :

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L’homme sentait le tabac. Et l’alcool aussi. Pas la bière, non. Plutôt un alcool fort, mais je ne saurais dire lequel. Peut-être du gin. Du temps de mes parents, voire de mes grands-parents, on disait que le gin était l’alcool des gens modestes. Faut dire qu’on buvait beaucoup en ce temps-là, de sorte qu’il était plus facile de catégoriser les gens en fonction de ce qu’ils buvaient. Ne pas boire relevait d’une gymnastique sociale à peu près intenable. Ne pas boire était louche, une habitude réservée aux alcooliques. Et ceux qui ne buvaient pas suscitaient la méfiance… Qui a bu boira, disait ma grand-mère.

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J'ai rencontré cet homme dans une soirée à laquelle il m'a invité pour me remercier d'un service rendu. Cet homme a réussi sa vie professionnelle. Les signes ne trompent pas. Il occupe une fonction décisionnelle dans un service d'une université à Montréal. Il loge dans un bel appartement, dont il est le propriétaire, au 8e étage d'une tour, dans un quartier bien en vue. Il vit avec une jeune femme. Il a laissé son épouse, qu'il ne voit plus. Une femme avec laquelle il a fait un enfant, qu'il ne voit que très peu, compensant son absence par la donation de biens matériels. Il ne serait pas le premier à abandonner sa famille pour vivre sa vie. Je ne juge pas, je constate. Son ex femme et son fils ont appris à vivre sans lui. Alors, ils ne sont pas si malheureux. Et au moins, lui, il paie…

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Ce soir-là, je pris le bus 23 qui montait lentement une rue, en serpentant, jusqu’en haut d’une côte. Tout en haut, un terminus autour duquel il n’y avait rien. Quelques bâtiments fouettés par le vent, c’était tout. Au loin, du côté opposé à la route, on pouvait apercevoir les bâtiments plats d’un quartier industriel partiellement éclairé. « Que suis-je venu faire ici ? », me demandais-je. Je n’en savais foutrement rien. Mais il ne faisait aucun doute que je voulais rentrer chez moi, ne sachant toujours pas pourquoi j’étais venu me fourrer dans ce guêpier, dans ce coin sinistre, si loin des quartiers centraux de la ville.

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