Quand nous prenons la peine d'observer le monde autour de nous, nous nous rendons vite compte que nous sommes nombreux à oublier la finalité des choses. Comme si nous ne savions plus pourquoi nous allons au travail le matin, voire pourquoi nous nous arrachons du lit pour nous y rendre. Un peu comme ces gens qui discutent sans fin de leurs chaînes audio haut de gamme sans jamais aborder la question de leurs choix musicaux, de ce pour quoi, en fin de compte, ils ont acheté ces chaînes, souvent hors de prix par ailleurs. La finalité de ces chaînes audio se situe dans l'écoute musicale.
Je déteste les fêtes nationales et, manque de bol, je vis dans un pays où je me vois l’obligation de « fêter » deux fêtes nationales : celle du Québec et celle du Canada. La fête du Canada passe encore parce que, fort heureusement, elle tombe en même temps que celle de mon fils et, par le fait même, elle ne représente qu’un nuage vite chassé par le vent d’allégresse que me procure l’anniversaire du fiston. Mais impossible de passer à côté de la Saint-Jean-Baptiste, consacré patron des Canadiens français avant de devenir fête « nationale » du Québec en 1977. Impossible parce que tous les médias s’entendent pour nous rabâcher les oreilles avec les célébrations associées à cet événement. Parmi celles-ci, le concept de “fierté” revient comme un leitmotiv.
Nous en sommes presque arrivés à la moitié de 2025, trois mois après mon anniversaire de naissance, cette fête qui a fait de moi, de plus en plus, une vieille personne. Quand j'en avais huit, voire dix-huit, jamais je n'aurais imaginé ma vie à un âge aussi avancé. En fait, se voir dans une personne âgée est presque impossible pour une jeune personne. Certes, elle a conscience qu'elle avance en âge, sans pourtant visualiser son corps qui se dégrade au point de constituer une entrave à l'action, à la mobilité, voire à la réalisation de certaines activités, pourtant toutes simples… Même un simple projet devient difficile à formuler. Je n'en suis pas là, remarquez… mais ça ne saurait tarder.
Ne me demandez pas pourquoi, mais je n'arrive pas à m'exprimer sur la mort de Paul Laurendeau, mon ami, mon camarade, depuis une cinquantaine d'années. Pourtant, je suis assez doué pour écrire sur les morts, sur la mort en général. Mais là je n'y arrive pas sans que j'en comprenne bien la raison. Je vais néanmoins essayer de lui rendre hommage, mais je vous préviens d'avance : ça ne sera pas le meilleur billet de blogue que j'aurais écrit dans ma vie.
Je cherche des trucs pour réduire le stress, l'anxiété, un phénomène qui ne me touchait jamais avant la pandémie de 2020-2022. Est-ce un effet de l'âge ? Peut-être, mais force est de constater qu'un rien m'affecte, et pour en atténuer les désagréments, j'aimerais adopter une technique qui me permettrait de faire le vide en moi, de manière à chasser ces pensées négatives qui polluent mon cerveau. Une recherche sur le Web n'a pas donné les résultats escomptés. La plupart des sites m'invitent à combler le vide alors que moi je souhaite plutôt le faire, le vide… Le contraire, donc.
J'ai rencontré cet homme dans une soirée à laquelle il m'a invité pour me remercier d'un service rendu. Cet homme a réussi sa vie professionnelle. Les signes ne trompent pas. Il occupe une fonction décisionnelle dans un service d'une université à Montréal. Il loge dans un bel appartement, dont il est le propriétaire, au 8e étage d'une tour, dans un quartier bien en vue. Il vit avec une jeune femme. Il a laissé son épouse, qu'il ne voit plus. Une femme avec laquelle il a fait un enfant, qu'il ne voit que très peu, compensant son absence par la donation de biens matériels. Il ne serait pas le premier à abandonner sa famille pour vivre sa vie. Je ne juge pas, je constate. Son ex femme et son fils ont appris à vivre sans lui. Alors, ils ne sont pas si malheureux. Et au moins, lui, il paie…
Récemment Pierre T, un ami de longue date – et un voisin depuis que je suis revenu vivre dans le quartier –, m'a texté pour m'apprendre la mort de Michel P, un ami commun. Michel , je ne le voyais plus beaucoup ces dernières années, même s'il habitait toujours à Pointe-aux-Trembles dans la maison de sa belle-mère. Parfois, le samedi, je le croisais à la place de l'église, un parc au bord du fleuve, dans ce quartier qu'on appelle toujours le village entre nous. Chacun sur nos vélos, nous discutions un peu – essentiellement de musique. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, j'étais allé chez lui pour qu'il m'enseigne les rudiments d'un logiciel de musique par ordinateur. “Pas si longtemps” signifie quelques années en langage de vieux, vous savez…
J'écris chaque jour, il est vrai. Mais j'écris dans tous les sens, un peu comme un individu qui joue une partie de squash, laissant la balle rebondir sur tous les murs en la saisissant à l'occasion. La vérité est que j'ai du mal à me concentrer sur un texte conséquent, sans passer à autre chose au bout du troisième paragraphe. Cela dit, pour écrire, j'écris… Un petit bout par ici, un petit bout par là. D'aucuns pensent que tout ça ne sert à rien. Certains me jugent même ridicule. Mais il y a longtemps que je ne me laisse plus guider par les avis des autres, surtout de ceux qui ne font rien de leurs dix doigts et qui, dès qu'on s'agite un peu autour d'eux, ne cessent de critiquer. J'ai une bonne amie qui s'est mise au piano à plus de soixante ans. Et elle a le culot de mettre ses pièces sur YouTube, les accompagnant des photographies prises au cours de ses pérégrinations dans les rues de la ville. Un beau culot, je trouve. Car malgré la naïveté de sa musique, elle a trouvé le moyen d'exprimer sa créativité et, par le fait même, de doter ce monde en lambeaux d'une touche de beauté.
Je suis à la bibliothèque du quartier, un havre de paix quand je ressens le besoin de sortir de la maison. Pendant que j'écris quelques mots sur ma tablette, voilà que je reçois un message de Suzanne L***, une amie que j'ai fréquentée pendant mes études d'histoire à l'université. Dans un message succinct, plutôt abrupt même, elle me demande de la retirer de la liste d'envoi de mon blogue. Et elle termine par un “bonne année” que je juge déplacé, à la limite de l'offense, comme si je l'avais vu l'avant-veille. J'avoue que ça m'a déçu, car nous avions une bonne relation pendant ces quelques années de jeunesse. Après, la vie a repris son cours : mariage, enfants (dont un très malade), divorce, etc.
Depuis ma lecture de l'œuvre de Marie-Madeleine Davy (1903-1998), je me demande si, dans les années 1970, nous n'aurions pas erré dans l'univers de la philosophie à la mode de ce temps-là. Pourquoi n'avons-nous jamais cherché à connaître davantage les spiritualistes dans la lignée de Bergson, Le Senne, Lavelle, Berdiaev ? Sans doute parce que nous n'en avions jamais entendu parler et que la philosophie d'alors, du moins celle qui était mise en évidence dans les cégeps et universités, tournaient autour du marxisme : Althusser, Deleuze, Derrida, voire Jean-Paul Sartre. Pourquoi avoir oublié qu'une mode intellectuelle demeurait avant tout une “mode”, c'est-à-dire une étincelle, un courant dont l'Histoire ne retiendra pas grand chose ? Qui enseigne Althusser ou Rancière aujourd'hui ? Qui les lit encore ? La pensée de Karl Marx reste, toutefois.