Parfois j'ai du mal à maintenir le rythme des cinq cent mots par jour. Pour dire la vérité, le problème est toujours le même : la motivation, ou plutôt le manque de motivation. J'en reviens toujours à la sempiternelle question du pourquoi de l'écriture alors que je n'ai rien accompli dans ma jeunesse, du moins rien que je puisse transmettre à un public donné. Si je ne l'ai pas fait dans mes vertes années, pourquoi le ferais-je aujourd'hui ?
Suis-je en panne sérieuse de créativité ? Est-ce que je commence à penser que, en raison de mon âge (de plus en plus avancé, disons-le, il ne sert plus à rien de gribouiller des mots sur des pages d’écran ? Comme si, en tant que vieux, je n’avais plus ma place en ce monde. Comme si je devais mourir avant le temps, comme être mort avant de mourir, comme le chantait Jean-Pierre Ferland (1934-2024) dans la chanson Qu'est-ce que ça peut bien faire?. Si je n’ai plus de place en ce monde, alors que me reste-t-il ? Quel espace est-il dévolu à un vieux quand celui-ci n’a pas envie de faire des voyages organisés ou de fêter ses noces de diamant ? Une série de questions auxquelles je devrais répondre si je veux continuer à écrire, à lire, à marcher… à vivre, quoi !
J'ai toujours maintenu des relations avec les gens qui ont partagé ma vie à un moment donné ou à un autre de mon existence. Il est facile pour moi de le faire car je suis un homme de l'écrit. Malheureusement, beaucoup de gens n'aiment pas écrire et, quand on disparaît de leur espace visuel, la relation s'arrête. Même avec certains de mes très bons amis, je n'ai jamais réussi à maintenir des relations épistolaires. Ils n'écrivaient pas, sans doute parce que le geste même d'écrire les aurait obligés à s'arrêter, à prendre un moment dans leur journée agitée. Je ne sais pas. Chacun son mode de vie, chacun sa vie.
Aujourd'hui, j'écoutais Luc Ferrandez à la radio, dans une émission qu'il coanime avec Nathalie Normandeau, une ancienne ministre qui a occupé un poste important dans le gouvernement libéral de Philippe Couillard il y a une douzaine d'années. Après sa disgrâce (elle a été inquiétée dans les suites de la Commission Charbonneau), elle est devenue animatrice et, ma foi, elle est plutôt sympathique dans ce rôle. Certes, on sent la libérale en elle… mais ses analyses s'équilibrent bien avec celles de Luc Ferrandez qui, décidément, s'avère aussi très bon dans ce métier d'animateur radiophonique. Avant, j'écoutais toujours les chaînes de Radio-Canada, mais depuis quelque temps, j'ai commencé à écouter Cogeco Média qui, en dépit des publicités qui polluent parfois ses ondes, offre un discours moins politiquement correct, plus nuancé, je dirais, et parfois imprévisible, alors que je sais déjà, avant même qu'ils n'ouvrent la bouche, ce que vont dire les animateurs de Radio-Canada. Et de ça, je commence à en avoir marre, surtout quand ils abordent les enjeux à l'échelle internationale.
Nous sommes arrivés en 2025, à moins de deux mois de mon anniversaire de naissance, cette fête qui fera de moi, de plus en plus, une vieille personne. Quand j'en avais huit, voire dix-huit, jamais je n'aurais imaginé ma vie à un âge aussi avancé. En fait, se voir dans une personne âgée est presque impossible pour une jeune personne. Certes, elle a conscience qu'elle avance en âge, sans pourtant visualiser son corps qui se dégrade au point de constituer une entrave à l'action, à la mobilité, voire à la réalisation de certaines activités, pourtant toutes simples... Même un simple projet devient difficile à formuler. Je n'en suis pas, remarquez… mais ça ne saurait tarder.