Mort de Michel P***

Récemment Pierre T, un ami de longue date – et un voisin depuis que je suis revenu vivre dans le quartier –, m'a texté pour m'apprendre la mort de Michel P, un ami commun. Michel , je ne le voyais plus beaucoup ces dernières années, même s'il habitait toujours à Pointe-aux-Trembles dans la maison de sa belle-mère. Parfois, le samedi, je le croisais à la place de l'église, un parc au bord du fleuve, dans ce quartier qu'on appelle toujours le village entre nous. Chacun sur nos vélos, nous discutions un peu – essentiellement de musique. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, j'étais allé chez lui pour qu'il m'enseigne les rudiments d'un logiciel de musique par ordinateur. “Pas si longtemps” signifie quelques années en langage de vieux, vous savez…

Quel que soit le passage du temps, la mort d'un ami nous ramène toujours aux années de jeunesse, à ce temps où, insouciants, nous allions boire des bières au bord du fleuve, où nous faisions de la musique dans un garage de la 8e Avenue et ce, malgré les plaintes des voisins… Elle nous ramène à ce temps où nous écoutions des disques pendant des soirées entières dans le sous-sol de la maison de mes parents, sur la rue de La Gauchetière à l'angle de la 40e Avenue. Quand mon ami Pierre T*** m'a communiqué la nouvelle de la mort de Michel, c'est un peu tout ça qui m'est revenu en mémoire. Que voulez-vous, à nos âges, l'annonce d'un décès joue parfois le rôle de la madeleine chez Marcel Proust.

Michel P, je l'ai fréquenté assidument quand nous avions entre quinze et vingt ans, et plus rarement par la suite, car je n'habitais plus dans le coin, ayant élu domicile dans les quartiers centraux de Montréal pour faciliter mes études universitaires. Mais parfois j'allais retrouver mes amis de Pointe-aux-Trembles dans ce bar du bout de l'île, le Vanini, qui a disparu depuis longtemps, remplacé par ces appartements de type condo. Quand je l'ai connu, il vivait avec sa mère et sa sœur. Je me souviens bien de sa mère, mais pas de sa fratrie. Michel est issue d'une famille pauvre, vivant en situation de monoparentalité au premier étage d'un duplex de la 12e Avenue, au sud de la rue de La Gauchetière. D'aussi loin que je me rappelle, je ne crois pas qu'il m'ait parlé de son père, si toutefois il en avait un.

La pauvreté, Michel l'a surmontée comme plusieurs amis du quartier, y compris moi-même. Il n'a pas fait d'études supérieures, mais il était curieux, ouvert, et sur le plan culturel, il n'avait à rougir face à quiconque. C'est surtout la musique qui nous rassemblait. Celle que nous écoutions, tout comme celle que nous faisions. Multi-instrumentiste, il jouait de la flûte, du saxophone, de la basse, de la guitare, du clavier et j'en passe. Pendant un certain temps, nous avons joué ensemble, dans le garage de Pierre T, mais aussi au sein du duo que je formais avec Jean-Guy G entre 1976 et 1978.

Michel P était un gars qui avait adopté la lenteur comme mode de vie bien avant qu'elle ne devienne une tendance à la mode. Il ne s'énervait jamais, il ne haussait pas la voix non plus, et il ne s'est jamais tué au travail. D'ailleurs, la vie professionnelle n'a jamais été une source de préoccupation pour lui. Chaque fois que je lui demandais comme ça allait côté boulot, il me répondait invariablement : “Je me débrouille.”

Ce modeste billet est ma façon de lui dire adieu. Qu'il repose en paix.


Daniel Ducharme : 2025-04-25 Mots-clés : #amitié #existence #nécrologie #souvenirs