Vieillir et écrire

Nous en sommes presque arrivés à la moitié de 2025, trois mois après mon anniversaire de naissance, cette fête qui a fait de moi, de plus en plus, une vieille personne. Quand j'en avais huit, voire dix-huit, jamais je n'aurais imaginé ma vie à un âge aussi avancé. En fait, se voir dans une personne âgée est presque impossible pour une jeune personne. Certes, elle a conscience qu'elle avance en âge, sans pourtant visualiser son corps qui se dégrade au point de constituer une entrave à l'action, à la mobilité, voire à la réalisation de certaines activités, pourtant toutes simples… Même un simple projet devient difficile à formuler. Je n'en suis pas là, remarquez… mais ça ne saurait tarder.

On crie sur tous les toits qu'il faut vivre un jour à la fois, quand ce n'est pas le moment présent, l'instant même, qui devrait retenir toute notre attention. Personnellement, je fonctionne à la saison, pas à la journée. J'ai déjà écrit à quelque part que cesser de faire des projets revient à mourir un peu, de mourir avant l'heure, quoi. Avais-je tort d'écrire de telles choses ? Simone de Beauvoir a écrit, elle, que la seule façon de vieillir était de continuer à faire ce qu'on a toujours fait, “de poursuivre des fins qui donnent un sens à notre existence” (Gallimard 1970). C'est ce que je m'efforce de faire, même si, honnêtement, cela m'importe peu, maintenant, de la justesse d'un propos, d'une citation, car avoir tort ou raison n'a aucun sens dans la perspective de notre finitude. La seule vérité de l'âge de la vieillesse est que nous allons mourir dans un, cinq, dix ou vingt ans. Nous le savons tous, tout en ignorant le moment de la fin, et tout en continuant à vivre comme si de rien n'était… Après soixante ans, la grande faucheuse peut nous honorer de sa visite n'importe quand. Aussi bien se tenir prêt, comme le préconise le Fils de l'Homme dans les Évangiles.

D'aucuns estiment que j'exagère, prétendant qu'aujourd'hui on vit facilement jusqu'à quatre-vingt-dix ans. Un discours convenu qui ne rassure personne, sauf ceux et celles qui aiment bien se voiler la face, qui vivent dans le déni, dans l'espérance qu'eux échapperont à la grande faucheuse le plus tard possible. Mais je sais que c'est faux. Déjà, dans ma “jeune” vieillesse, j'ai perdu plusieurs personnes – pas des inconnus, non, mais des amis chers. Et depuis le début de cette année 2025, j'ai déjà perdu trois amis, tous décédés avant l'âge de soixante-dix ans. Alors, il s'avère bien inutile de me dorer la pilule : on s'en va tous et toutes dans la même direction, certains un peu plus rapidement que d'autres, c'est tout.

N'empêche qu'en ce quatrième âge de mon existence, je m'interroge sur ce que je peux apporter au monde. Je suis lu par une centaine de personnes, pas davantage. Alors, vaut-il vraiment la peine d'écrire, de publier des billets sur des blogues ? Je ne crois pas être en mesure de répondre à cette question, même si j'estime que l'expression, celle qui se pratique en solitaire (et non celle qui consiste à vociférer sur les réseaux sociaux), ne saurait être tout à fait vaine. Au final, tout ce qui compte, et en l'écrivant je suis conscient de me répéter (l'âge, sans doute…), c'est que je suis plus heureux quand j'écris que quand je n'écris pas. Ai-je besoin de me justifier à l'aide d'autres arguments ? Non. Écrivons, donc. Ça ne fait de mal à personne.


Daniel Ducharme : 2024, mise à jour : 2025-06-06 Mots-clés : #créativité #écriture #existence #vieillesse

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