Pessimisme

Bataclan, plus de dix ans déjà. Une journée de commémoration triste à mourir. A-t-on appris de tout cela ? Non, on n'apprend jamais rien. Il y a l'Ukraine, Gaza, le Soudan. Et toutes ces fusillades qui éclatent à gauche et à droite aux États-Unis et ailleurs. Au lieu de se concerter pour assurer la paix, chacun s'arme de son côté. Je vous le dis, ça ne va pas s'arranger. Et tout comme les Allemands, humiliés après la Première Guerre mondiale, ont bousculé le monde entier avec la Deuxième, les victimes gazaouis, ceux qui ont perdu leur maison, des parents, des amis, ne s'arrêteront pas là. Un peuple humilié peut arriver à de grandes choses en terme de désolation du monde. Il ne faut jamais sous-estimer leur capacité de détruire, de faire mal, de rendre coup pour coup, sans pitié pour les victimes collatérales. Car ce sont eux les victimes, pas les autres. D'autres Bataclan sont à prévoir.

L'écart entre les plus riches et les plus pauvres s'avère gigantesque. Il y a un manque d'autorité, un manque de volonté, de sorte que personne n'est responsable de rien. L'itinérance est là, des gens meurent dans la rue, dans un état de dégradation qui atténue considérablement leur humanité. Mais on ne fait rien, on ne peut rien faire, même pas les obliger à suivre une cure de désintoxication en circuit fermé. Ils sont libres, paraît-il. Ils ont des droits. Déféquer sur le bord du trottoir est dorénavant un droit fondamental. On met la faute sur la crise du logement, comme si le fumeur de crack en avait à cirer du logement.

La liberté individuelle, complément nécessaire à la loi du marché, atteint des sommets inconnus jusqu'alors. Chacun est libre de choisir son métier, sa dépendance, son sexe – ou plutôt son genre –, son pays, sa vie, quoi. Tout le monde a des droits, personne n'a de devoir. Bref, on fait ce qu'on veut et on ne doit rien à personne. Chacun est singulier dans sa diversité, même si tout le monde pense pareil en fin de compte – pensée unique, pensée magique.

Et Dieu dans tout ça ? Bah… on préfère pénétrer dans une tente de sudation que d'aller se recueillir dans une église. Je suis de la génération de ceux et celles qui se sont libéré de l'emprise de l'Église catholique, même si, personnellement, je n'ai pas l'impression de m'être libéré de grand chose. Mais de quoi la nouvelle génération va-t-elle se libérer ? Je me le demande. De nous, les vieux, sans doute… A-t-on le courage de se dire athée ? Très peu de gens l'ont, ce courage, car même l'athéisme exige un effort de la pensée, un exercice spirituel. Il est plus facile de se rabattre sur le bouddhisme qu'on réduit à quelques formules de base : saisir le moment présent, vivre l'instant, contempler une goutte de pluie, respirer à fond.

Je suis pessimiste aujourd'hui. Je suis fatigué de ce monde. Ma carcasse est de plus en plus lourde à traîner sur les trottoirs de la ville. Acheter un objet ne me procure plus aucune satisfaction, aucun plaisir. Je ne fais même plus de projet. Même les voyages ne me disent plus rien.

Ça ira mieux demain.


Daniel Ducharme : 2025-12-05 Mots-clés : #existence #société