À l'aube
Souvent, le soir, je me couche avec la hâte de me lever. J'aime tellement le moment que je passe seul au petit matin, attendant que le jour se lève, que je rogne du temps de sommeil pour m'y adonner. Cela n'est pas sans risque pour la suite de la journée. Car plus tard j'en paie le prix, surtout à partir de onze heures où mon cerveau commence à s'embuer. Après le repas du midi, une sieste répare les pots cassés, du moins en grande partie quand j'ai un peu de chance. Mais cela en vaut la peine, car rien ne bat la période comprise entre cinq et sept heures du matin. J'aurais du mal à exprimer pourquoi, mais ce temps-là m'est précieux à la limite du raisonnable. Quand je n'arrive pas à l'obtenir, je suis de mauvaise humeur pour le reste de la journée, comme un enfant de quatre ans qui aurait sauté la sieste.
À cinq heures du matin, tous mes sens sont en éveil. Lire, écrire, boire un café, toutes les sensations sont décuplées. Écrire m'est facile, car les mots jaillissent d'eux-mêmes de mon esprit. Lire s'avère un exercice encore plus satisfaisant. Des mots naissent des images plus facilement que plus tard dans la journée. Je sens alors que mon esprit fait corps avec le texte, que je comprends bien ce que l'auteur cherche à partager, son message m'apparaissant plus clair, plus lumineux. Quant au café, il n'a jamais meilleur goût qu'au petit matin. Je le prends assez léger, à l'américaine, dans une grande tasse de couleur unie, souvent verte.
À l'aube de chaque matin naît une promesse pour le jour à venir, mais à l'instar du roman de Romain Gary – La promesse de l'aube (1960) –, elle est rarement tenue. Mais n'allons pas si loin, le roman de Gary porte sur l'amour maternel, ou plutôt sur sa démesure, ses excès, alors que je ne me penche que sur le jour qui pointe à l'horizon, ne souhaitant qu'une seule et unique chose : passer une bonne journée.
Si des idées peuvent naître de la marche du soir, c'est seulement au petit matin que je peux les formuler par écrit. Là, dans la pénombre qui précède le jour, je m'installe à mon bureau et, devant l'écran de l'ordinateur, je tape sur le clavier avec une facilité déconcertante. Écrire une centaine de mots ne me prend que quelques minutes, même si je dois peaufiner le texte dans la journée. Ce qui compte, c'est le premier jet, spontané et authentique, c'est l'idée exprimée par des mots que je couche, non pas sur le papier, mais dans l'application de prise de notes qui me permet d'organiser mes écrits. Avec plus de 600 notes, vous comprendrez que c'est une vraie pagaille parfois difficile à contrôler. Mais il s'agit là d'un autre sujet que nous aborderons une prochaine fois, si vous le voulez bien.
L’aube est le moment de tous les possibles. Certains ne la connaissent jamais, dormant jusqu’au lever du soleil. Mais pour eux, peut-être, l’aube commence juste après minuit…
Daniel Ducharme : 2025-12-12 Mots-clés : #créativité #existence #modedevie